Contrairement aux grands courants artistiques du début du 20^ème siècle – comme le surréalisme, le dadaïsme, le futurisme… – le réalisme magique n’est pas un mouvement structuré avec des chefs de file, un programme, un manifeste. C’est sans doute ce qui le rend parfois difficile à saisir. Pour simplifier, ou pourrait dire que les œuvres que l’on associe en général au réalisme magique interrogent le monde, en essayant de créer un autre rapport à la réalité. La « magie » du réalisme magique est également une magie familière. Elle est certes étrange, insolite, mais reste toujours possible. Si ce n’était pas le cas, elle ferait place à « l’effroi du fantastique ou de la folie » (Le réalisme magique, Cahiers des Avant-gardes, Éditions l’Âge d’Homme, 1987, p. 247). Autrement dit, il s’agit ici d’une magie, d’une étrangeté qui « se cache dans les choses, les personnes, la lumière ou l’ombre, ou les rapports que tous ces éléments entretiennent entre eux, ou encore ceux qu’y crée notre propre regard » (op. cit.).

C’est en littérature que le réalisme magique connaîtra ses plus célèbres représentants. Pour ne citer qu’un exemple, le roman Cent ans de solitude (1967) du colombien Gabriel García Márquez est considéré comme un des textes les plus importants de ce courant. Il raconte, sur plusieurs générations, l’histoire du village imaginaire de Macondo à travers une suite d’événements extraordinaires (des enfants qui naissent avec des queues de cochon, des morts qui reviennent à la vie…) mais dans un contexte tout à fait quotidien. Le livre illustre cette familiarité de l’étrange, cet invraisemblable qui devient vraisemblable. En dehors de l’Amérique latine où le réalisme magique a considérablement marqué la littérature, on retrouve aussi en Europe des auteurs que l’on rattache volontiers à ce mouvement comme le français Marcel Aymé, le belge Johan Daisne ou encore l’italien Dino Buzzati, pour n’en citer que quelques-uns.

Enfin, comme nous l’avons déjà évoqué, le réalisme magique est également présent au cinéma. En Belgique, la plupart des films de fictions du réalisateur André Delvaux (1926-2002) relèvent du réalisme magique. Ses deux premiers longs métrages sont d’ailleurs des adaptations des romans de son compatriote, Johan Daisne. Un peu délaissé aujourd’hui, André Delvaux est un des premiers cinéastes belges reconnu internationalement.

Le « réalisme magique » est un courant qui renvoie à une grande variété d’auteurs et de modes d’expression. Le but de ce dossier n’est évidemment pas d’en fournir une définition académique mais plus simplement de voir, d’explorer, à travers quelques exemples comme le film Toto le héros (1991) de Jaco Van Dormael et la toile Mystère et mélancolie d’une rue (1914) de Giorgio De Chirico, comment la réalité et la magie peuvent se rencontrer et dialoguer au sein d’une même œuvre, qu’elle soit cinématographique ou picturale.